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Basket féminin : charge mentale et sacrifices

Colombe Djiadjei nous fais un zoom sur la pression mentale et les sacrifices dans le basket féminin avec quelques témoignages

« Dans l’ombre des performances sur le terrain, les joueuses de basket féminin affrontent une pression mentale intense et des sacrifices quotidiens. Bien que les mentalités évoluent, de nombreux tabous persistent, freinant encore une reconnaissance pleine et entière de ces réalités. »

Une évolution lente mais réelle

Longtemps, les notions de pression mentale et de sacrifices ont été ignorées ou sous-estimées dans le basket féminin. Pour beaucoup, il s’agissait de sujets secondaires comparés à la performance pure. Le silence autour de ces thématiques était alimenté par une culture où parler de ses difficultés était perçu comme une faiblesse.

Aujourd’hui, les mentalités changent

Les réseaux sociaux et les témoignages publics de joueuses contribuent à ouvrir le dialogue. Des athlètes comme Naomi Osaka ou Simone Biles ont osé parler de leur santé mentale, inspirant leurs homologues dans le basket féminin.

Basket féminin : charge mentale et sacrifices
Steven Trouillet, par Tom Gerard

Mais l’absence de reconnaissance médiatique et financière reste un défi majeur. Steven Trouillet, entraîneur à Nantes en Nationale 3 féminine et Régionale 3 masculine, met en lumière une réalité souvent ignorée.

« Les joueuses de basket, en particulier au niveau amateur, sont souvent sous-représentées dans les médias. Le sport féminin a eu moins de ressources et d’infrastructures que le sport masculin. Ce qui signifie que les joueuses n’ont pas toujours eu les mêmes soutiens psychologiques ou la même attention en matière de gestion du stress ».

Ce manque de soutien amplifie le sentiment d’isolement et rend difficile une gestion sereine du bien-être mental. En particulier lorsque les conditions d’entraînement ne sont pas idéales. Les joueuses doivent jongler entre leur passion et leurs responsabilités personnelles et professionnelles.

Coumba Sow, par Tom Gerard

Le cas de Coumba Sow, jeune espoir du basket français, illustre parfaitement cette évolution. Malgré son talent et son engagement, elle a dû renoncer provisoirement au basket après une accumulation de blessures et de fatigue mentale. En cumulant ses études en alternance et un rythme d’entraînement intense, elle a frôlé le burnout. Elle explique sa situation dans le journal Sporta Caen en 2023 : « On n’est pas des super-héros, on est juste des humains. » Celle qui évoluait en Nationale 1 dans le club d’Ifs en Normandie a pris la décision de faire une pause avec ce sport durant la saison 2022-2023. Pour la saison 2024-2025, Coumba Sow joue désormais en Nationale 3 au club de l’AS ST ROGATIEN à Nantes, ayant quitté le monde professionnel pour retrouver un équilibre.

Le poids de la réalité : témoignages et défis dans le basket amateur

 

Haana Anger, par Tom Gerard

Haana Anger, 25 ans, ancienne joueuse en centre de formation à Reims, s’entraînait avec les professionnelles de Ligue 2. Aujourd’hui en Nationale 3 à Nantes, elle explique que la pression mentale est bien présente, mais qu’elle diffère de celle des ligues professionnelles.

« Je n’ai pas forcément une forte pression mentale, car nous jouons seulement en Nationale 3 et avons la chance de ne pas avoir de trop longs déplacements ». En effet, contrairement à d’autres joueuses de plus haut niveau. Elle ressent son activité davantage comme un « défouloir », même si elle est pleinement consciente des sacrifices que son engagement implique.

L’abnégation dans le basket amateur est bien réelle. La concernant, il s’agit principalement de « petits inconforts sociaux » : éloignement de sa famille, absence à des événements sociaux, et un rythme de vie décalé. « Je suis loin de ma famille depuis maintenant 10 ans. Je n’ai jamais autant voyagé que la plupart des gens de mon âge à cause de la compétition » , confie-t-elle.

En dépit de ces sacrifices, elle reconnaît que le basket a toujours été un équilibre dans sa vie. Même si, par moment, l’idée d’arrêter a effleuré son esprit : « Oui, à un moment où c’était un trop-plein mental et que j’étais perdue dans ce que je voulais faire. Les études, les entraînements. La première solution à laquelle je pense parfois, c’est arrêter le basket. Mais c’est aussi une manière d’équilibrer ma vie ».

Steven Trouillet, quant à lui, insiste sur le fait que la pression pour performer n’épargne aucune joueuse, qu’elle soit au niveau amateur ou professionnel. « Chez les filles, il y a une pression constante de devoir performer à un niveau élevé, et une tendance à se comparer avec d’autres joueuses. Cela peut entraîner des problèmes d’estime de soi et le sentiment de ne pas être à la hauteur des attentes ».

Des sacrifices enfin reconnus

Les sacrifices imposés aux joueuses sont de plus en plus visibles et reconnus. Vie sociale limitée, éloignement familial, études en suspens : ces renoncements ne sont plus cachés sous le tapis.

Les week-ends de matchs obligent souvent les joueuses à manquer des événements familiaux importants : anniversaires, mariages, vacances ou simples sorties entre amis. Les soirs d’entraînements laissent peu de place à une vie personnelle équilibrée. Ce rythme, imposé même dans le sport amateur, épuise mentalement les joueuses autant que physiquement.

Les données montrent que la pression mentale et les risques de burnout dans le sport féminin sont bien réels. Selon une étude menée par Sport Psychologist, 35 % des athlètes féminines déclarent avoir déjà ressenti des symptômes de dépression ou d’anxiété liés à leur carrière sportive. Parmi ces athlètes, 20 % déclarent avoir pensé sérieusement à arrêter leur discipline à cause du stress mental, des blessures et de la surcharge de travail.

Dans le basket féminin, ces chiffres sont encore plus alarmants. Une enquête menée par BasketFormation auprès de 500 joueuses amateurs et professionnelles révèle que 42 % des répondantes ont connu des épisodes de burnout. Contre 35 % chez leurs homologues masculins.

Une prise en charge progressive de la pression mentale

La prise en charge de la pression mentale évolue positivement. De nombreux clubs introduisent des psychologues du sport et des coachs mentaux pour accompagner les joueuses. Des séances de méditation, de visualisation et de relaxation font désormais partie des plans d’entraînement.

Cependant, le chemin reste long. Beaucoup de joueuses sont encore perçues comme des « super-héroïnes invincibles ». Cette image de perfection constante ajoute une pression supplémentaire, rendant difficile pour elles de se montrer vulnérables. Reconnaître leur humanité et leurs limites est une étape cruciale pour le bien-être des joueuses.

Des initiatives comme le programme Balance, Mind & Game, lancé par la Fédération Française de Basketball, visent à sensibiliser davantage aux enjeux de santé mentale, en offrant des formations et des ressources à la fois pour les joueuses et pour les entraîneurs. Le programme insiste sur l’importance de l’équilibre entre performance et bien-être. Comme le soulignent les témoignages, derrière chaque victoire, il y a bien plus qu’un simple exploit sportif.

Visuel de Une : Anthony Tran.

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