Primo Levi au Petit Théâtre des Brousses
Au Petit Théâtre des Brousses de Saint-Mars-la-Jaille, Gilbert Ponté présente samedi 18 octobre une adaptation sobre et puissante de « Si c'est un homme », le témoignage fondateur de Primo Levi sur l'horreur d'Auschwitz. Seul en scène, sans décor ni artifice, le comédien fait du plateau nu l'écrin d'une parole essentielle qui interroge l'humanité elle-même.
Gilbert Ponté face à l’abîme : « Si c’est un homme » au plus près de Primo Levi, samedi 18 octobre 2025, à 20 h au Petit Théâtre des Brousses, à Saint-Mars-la-Jaille, au nord d’Ancenis.
Le comédien Gilbert Ponté s’empare du témoignage fondateur de Primo Levi dans un spectacle dépouillé qui fait du plateau nu l’écrin d’une parole essentielle.
Il n’y a rien. Juste un espace vide, un comédien seul, et les mots de Primo Levi. Pas de décor pour figurer l’horreur d’Auschwitz, pas de musique pour souligner l’émotion, pas d’effets pour dramatiser ce qui n’a pas besoin de l’être. Gilbert Ponté a choisi l’essentiel : la transmission brute d’un témoignage qui a redéfini notre compréhension de la Shoah.
Le cri plutôt que le lyrisme
Écrit dès 1947 au retour de l’enfer, Si c’est un homme n’est pas une œuvre de fiction mais un acte de résistance par les mots. Chimiste de formation, déporté à Auschwitz-Monowitz en février 1944, Primo Levi a survécu grâce à ses compétences scientifiques avant d’être libéré le 27 janvier 1945. À son retour, personne ne voulait l’entendre. « J’ai été considéré comme un déséquilibré parce que je parlais, je parlais même d’une manière qui était inappropriée pour certaines personnes », confiera-t-il plus tard.

Son texte ne cherche ni la compassion ni l’apitoiement. Avec une précision presque clinique, Levi expose le fonctionnement d’une machine de déshumanisation. S’il a choisi le titre Si c’est un homme plutôt que « Si c’est un Juif », c’est pour inscrire son expérience dans une dimension universelle. Ce qui est en jeu dépasse toute identité : c’est l’humanité elle-même qui est interrogée.
L’art du théâtre-récit à la française
Gilbert Ponté cultive depuis des années une forme rare en France : le théâtre-récit, inspiré du mouvement italien initié par Dario Fo. Seul en scène, il incarne cette multiplicité qu’exige le texte de Levi : le témoin direct, l’analyste qui donne du sens, le survivant marqué par le trauma, le narrateur qui guide le public. Cette polyphonie intérieure crée une tension palpable, traduit l’urgence absolue de dire.
Après La Ferme des animaux d’Orwell, Francesco le Saint jongleur de Fo, ou encore Michael Kohlhaas de Kleist, le comédien-conteur poursuit sa recherche d’un théâtre populaire et didactique où le corps parlant s’affirme dans l’espace vide. Chez lui, pas de superflu : tout se concentre sur la puissance des mots et l’imagination du spectateur. « Rendre visible l’invisible », telle est sa méthode.
Le silence entre les mots
Ce dépouillement scénique n’est pas un choix esthétique mais une nécessité éthique. Face à un témoignage de cette nature, tout artifice serait obscène. L’espace nu invite chaque spectateur à faire appel à son propre univers mental pour donner vie au récit. Les silences deviennent aussi éloquents que les mots, les regards portent autant que les phrases.
Car Levi, dans son écriture, appliquait déjà cette sobriété. Écrivain de la précision et de la retenue, il transpose dans son style littéraire les qualités de rigueur propres à sa formation de chimiste. Pas d’emphase, pas d’envolées lyriques, mais une narration directe d’une puissance émotionnelle contenue qui frappe par sa justesse.
Primo Levi, un héritage qui traverse les décennies
Dans le paysage littéraire italien, Se questo è un uomo a redéfini le genre du témoignage. Ce n’est pas un simple récit de souffrance mais une analyse lucide des mécanismes de la barbarie. Levi s’inscrit dans la tradition humaniste italienne – il dialogue avec Dante, Manzoni – tout en introduisant une conscience morale nouvelle, adaptée à l’horreur du XXe siècle.
Des auteurs comme Claudio Magris, Natalia Ginzburg ou Roberto Saviano reconnaissent sa filiation dans leur approche du réel et de la mémoire. Mort le 11 avril 1987 dans des circonstances tragiques, Primo Levi aura laissé une œuvre considérable : La Trêve, Le Système périodique, Les Naufragés et les Rescapés… Autant de jalons d’une réflexion sans concession sur la condition humaine.
Sur le plateau, Gilbert Ponté fait résonner cette parole avec la pudeur et la rigueur qu’elle exige. Un spectacle nécessaire, qui confronte le public à l’abîme sans détourner le regard.
Si c’est un homme de Primo Levi
Samedi 18 octobre à 20 h au Petit Théâtre des Brousses.
Saint-Mars-la-Jaille, entre Ancenis et Candé.
Primo Levi est un des plus grands auteurs italiens .
Écrit dès sa libération de l’enfer d’Auschwitz, son œuvre est universellement reconnue comme un témoignage essentiel de l’histoire humaine.
Ce spectacle sera repris sur Paris à partir de janvier 2026.
Réservation par courriel gilbert.ponte@outlook.com ou par téléphone 06 84 08 36 50.
Avec Gilbert Ponté
Compagnie La Birba
www.labirba.fr