Nantes

Procès des deux jeunes Gitans accusés d’avoir « bousculé » le maire de Vertou

Les deux jeunes d'Albi (Tarn) accusés d'avoir "bousculé" le maire de Vertou (Loire-Atlantique) lors de l'installation illicite de gens du voyage sur un terrain privé de sa commune, le 11 juin 2023, ont été jugés ce mardi 5 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Nantes pour "violences aggravées".

Procès des deux jeunes Gitans accusés d’avoir « bousculé » le maire de Vertou.

Les deux jeunes Gitans d’Albi (Tarn) accusés d’avoir « bousculé » le maire de Vertou (Loire-Atlantique) en marge de l’installation illicite de gens du voyage sur un terrain privé de sa commune, le 11 juin 2023, ont été jugés ce mardi 5 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Nantes pour « violences aggravées ».

A cette même période un rassemblement avait lieu à Châteaubriant avec 200 caravanes installées près des étangs de Choisel.

Pour rappel, Rodolphe Amailland (LR) avait dit en procédure avoir été « poussé » dans un fossé alors qu’il s’opposait seul au passage d’une « centaine » de caravanes et de véhicules venus pour un rassemblement évangélique, a retracé la présidente du tribunal correctionnel de Nantes. Ils provoquaient en effet « un véritable bouchon dans la commune », a-t-elle résumé.

Le maire de Vertou avait alors appelé les gendarmes mais, face au « nombre très important » de gens du voyage, les forces de l’ordre avaient quitté les lieux et préféré entendre l’élu local dans leurs locaux.

Il leur avait expliqué avoir été « informé par un adjoint » en ce dimanche après-midi de l’arrivée des caravanes. Il était arrivé seul sur place – « en short, polo, baskets et lunettes de soleil » selon les prévenus – pour « empêcher » leur installation « dans l’attente de la venue des gendarmes ». Et avait « pris contact avec le pasteur qui semblait le responsable du rassemblement ».

Il s’est  » déséquilibré » tout seul

Deux pasteurs, le fils de l’un d’eux et un deuxième jeune étaient venus à sa rencontre : ils avaient tenté de rassurer l’élu en lui disant qu’ils n’étaient là « que pour une semaine » mais n’étaient pas parvenus à le faire quitter le milieu de la chaussée.

C’est dans ce contexte que les deux jeunes de 23 et 24 ans – Starky William XXX et Timothée XXX – avaient « tenté de faire bouger » le maire de Vertou en le prenant « par le coude » pour l’inciter à « continuer de discuter » sur le bas-côté. Mais l’édile était resté planté au même endroit, voyant bien que « c’était pour laisser passer les véhicules », selon lui.

Rodolphe Amailland avait alors été « poussé » dans un fossé, selon ses dires, alors que ces deux auto entrepreneurs dans « le bâtiment » et « les espaces verts » – jusqu’alors inconnus de la justice – certifient que le maire s’est « déséquilibré » tout seul.

Après l’arrivée des gendarmes, l’exploitation de leur caméra-piéton et des images d’un téléphone portable ont permis de confirmer l’existence de « tensions » ce jour-là et « l’attitude agressive et provocante » du fils du pasteur, âgé de 24 ans.

« Il ne s’est jamais présenté comme le maire »

Mais Rodolphe Amailland « ne s’est jamais présenté comme le maire de la commune, je ne l’ai su que par le biais des gendarmes lors de mon audition », a certifié son père. « Je n’ai jamais vu un maire agir de la sorte : il se jetait sur les véhicules », a complété le second pasteur. Rodolphe Amailland se serait ainsi « mis à genoux devant un camion », selon le plus âgé des deux jeunes.

Timothée XXX a aussi accusé le maire de Vertou, à l’audience, d’avoir « simulé » une chute « devant les gendarmes ». « Au départ, on pensait que c’était le propriétaire du terrain ou un voisin : vous savez madame la présidente, notre vie n’est pas facile, à chaque fois on est rejetés de la société », a-t-il dit ce mardi à la présidente du tribunal correctionnel de Nantes.

« Il mettait les deux mains sur le capot… Je lui ai dit à plusieurs reprises d’arrêter car c’était dangereux ce qu’il faisait », a complété son co-prévenu, Starky William XXX. « J’ai agi avec lui comme si j’avais vu un enfant en danger. »

« Avant d’arriver à Vertou, on a fait plusieurs autres départements et à chaque fois les maires sont en costume-cravate », a-t-il ajouté à propos de la « tenue vestimentaire » inhabituelle de l’élu, pour expliquer en quoi il n’avait pas compris que l’homme était le maire de la commune. « D’habitude, les maires viennent aussi avec un adjoint, des médiateurs ou des policiers. »

L’Association des Maires de France vient le soutenir

Mais Rodolphe Amailland, venu témoigner au tribunal, a certifié qu’il s’était présenté comme le maire de Vertou aux premiers arrivants et que ses interlocuteurs l’avaient par la suite appelé « Monsieur le Maire ». « Ca a commencé à discuter avec fermeté et cordialité, mais le ton est monté car je restais ferme », a raconté le premier magistrat de la commune.

« J’ai beaucoup d’abnégation dans ma fonction de maire mais je ne suis pas encore suicidaire : je ne vais pas me jeter sous les roues », a-t-il souri par ailleurs. Les « violences » sont par ailleurs caractérisées, selon lui : les deux jeunes Gitans ont dû faire « bouger » sa « petite centaine de kilos », a-t-il fait observer à la présidente du tribunal correctionnel de Nantes.

Rodolphe Amailland a reçu le soutien de Norbert Samama, le maire du Pouliguen, en tant que « référent » de l’Association des maires de France (AMF) de Loire-Atlantique au sein de leur « Observatoire des violences faites aux élus ». « Nous avons eu 1.100 démissions en trois ans, c’est 30 % de plus que sur le dernier mandat », a-t-il dit à la juge. « Nous en sommes venus à former nos membres avec le GIGN… Quand des gens du voyage viennent, on présente systématiquement notre carte. »

C’est aussi la « pression citoyenne » qui pousse ces « maires de terrain » à aller d’eux-mêmes à la rencontre des Gitans. « Moi-même, j’ai dû emprunter un vélo à un concitoyen pour filer à toute vitesse sur un barbecue organisé par des gens du voyage dans un bois : les flammes montaient à quatre mètres de haut », a assuré Norbert Samama à la présidente du tribunal.

Une « tentative d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques »

De son côté, l’avocat du maire de Vertou a raillé les « versions préparées » des prévenus et leurs « explications tout à fait fantasmagoriques » sur la « procession à genoux » et le « véritable chemin de croix » qu’aurait fait son client. « C’est une espèce de force céleste qui l’aurait soulevé et qui l’aurait mis au fossé, alors qu’il fait quand même son poids », a-t-il ironisé.

Pour cette « atteinte » aux « racines » du « socle républicain », l’avocat de la partie civile a donc demandé une « somme modeste » de 1 € pour le préjudice moral du maire de Vertou et 2.000 € à chacun des deux prévenus pour ses frais de justice.

La procureure de la République a pour sa part requis 100 jours-amende à 10 € à l’égard des deux prévenus – soit une amende de 1.000 € à payer au Trésor public, sans quoi les jours non payés pourraient être purgés en prison. Elle a aussi demandé au tribunal de prononcer « un stage de citoyenneté à leurs frais » et une interdiction de revenir à Vertou pendant deux ans.

Me Marine Verron, l’avocate de Timothée XXX, a elle pointé les déclarations « inconstantes » et « contradictoires » de Rodolphe Amailland « qui dit tout et son contraire dans la phrase qui suit ». Le tribunal correctionnel de Nantes devra donc faire une « application stricte de la loi pénale » en relaxant son client faute de « certitudes » sur sa culpabilité.

Son confrère Me Corentin Roger a abondé dans le même sens : il a « la désagréable impression qu’on tente d’instrumentaliser l’institution judiciaire à des fins politiques ». Le maire de Vertou avait réagi « par voie de communiqué de presse », a rappelé l’avocat de Starky William XXX. Le tribunal, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son jugement dans une semaine./GF (PressPepper). Visuel : Jean-Pierre Dalbéra.

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