Sainte-Luce

Sainte-Luce : les voix retrouvées des « mauvaises filles »

Sainte-Luce : les voix retrouvées des « mauvaises filles », mardi 4 novembre 2025, à 20 h. Au Théâtre Ligéria de Sainte-Luce, la compagnie À la Tombée des Nues dévoile une création bouleversante sur l’enfermement arbitraire des jeunes filles rebelles. Un spectacle nécessaire.

Annick, Christine, Evelyne, Françoise, Josiane, Marie-Christine… Ces prénoms résonnent comme autant de destins brisés. Des filles qui voulaient simplement vivre : manger à leur faim, courir, faire le mur, aimer librement. Leur tort ? Être pauvres, désobéissantes ou trop libres dans une société qui ne leur pardonnait rien. Entre 1874 et 1968, elles ont été enfermées, étiquetées comme « mauvaises filles », internées sous couvert de soins psychiatriques. Leur histoire collective, longtemps ensevelie sous les strates du silence institutionnel, remonte enfin à la surface grâce au travail obstiné de la compagnie À la Tombée des Nues.

Mardi 4 novembre à 20h, le Théâtre Ligéria accueille la toute première représentation de Il y avait tellement de silence, j’ai même pas entendu les oiseaux, aboutissement de trois années de recherche et de création. Un titre-poème qui dit déjà tout de l’étouffement, de l’isolement vécu par ces adolescentes sacrifiées sur l’autel de la morale bourgeoise et de l’ordre patriarcal.

Quand l’archive devient parole vivante

La compagnie ne fait pas dans la demi-mesure. Gaëlle Clérivet, à la mise en scène, s’est plongée dans les archives administratives et religieuses, ces documents froids qui cataloguaient des vies comme on range des dossiers. Mais c’est surtout aux témoignages de femmes concernées qu’elle a prêté l’oreille, recueillant ces mémoires douloureuses pour les transformer en matière théâtrale.

Sainte-Luce : les voix retrouvées des "mauvaises filles"

Les historiens Véronique Blanchard et David Niget ont nourri cette exploration d’un siècle et demi d’enfermement institutionnel, révélant l’ampleur d’un système répressif qui visait avant tout à contrôler les corps et les désirs féminins.

Sur le plateau, Servane Daniel, Anaïs Harté et Laureline Lejeune portent ces voix enfouies avec une délicatesse qui n’exclut ni la colère ni la révolte. La scénographie de Lise Abbadie et les lumières de Marie Giraudet créent un espace où le documentaire épouse le poétique, où le témoignage brut se fait chant de résistance. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : redonner dignité et puissance à celles qu’on a voulu faire taire.

Un théâtre de la mémoire vive

Anciennement intitulé Mauvaises Filles, ce spectacle assume pleinement sa dimension politique. Il interroge les mécanismes de l’exclusion, la violence des normes sociales, la façon dont la société a pathologisé la liberté féminine. Comment a-t-on pu, pendant plus d’un siècle, enfermer des jeunes filles parce qu’elles désiraient échapper à leur condition, vivre leur sexualité ou simplement exister autrement ?

La Ville de Sainte-Luce a soutenu cette création dès 2022, offrant plusieurs périodes de résidence à la compagnie. Cette fidélité à un projet exigeant témoigne d’une véritable politique culturelle, attentive aux écritures contemporaines qui réveillent la mémoire collective. Après une présentation d’étape en 2024, le spectacle trouve enfin sa forme définitive, prêt à toucher un large public.

Il y avait tellement de silence, j’ai même pas entendu les oiseaux appartient à cette veine du théâtre documentaire qui sait transformer l’enquête historique en expérience sensible. Un spectacle nécessaire, qui nous rappelle que les luttes d’hier éclairent les combats d’aujourd’hui, et que les voix des « mauvaises filles » méritent enfin d’être entendues.

Il y avait tellement de silence, j’ai même pas entendu les oiseaux
Compagnie À la Tombée des Nues
Mardi 4 novembre à 20 h.
Théâtre Ligéria, 80 rue de la Loire, Sainte-Luce
Tarifs : de 7 à 17 €
Réservations : sainte-luce-loire.com

Visuels : Gaspard Legendre /Sli-K